Zhen & Zephyr

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  • Lore

  • 19 septembre 2025

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Vertu et déshonneur. Ces deux mots façonnent l'histoire de Zhen, et expriment le poids qui pèse sur ses épaules depuis l'enfance. Si la fière commandante Ordis brille par ses exploits et par ceux de ses parents, héros et martyrs, son héritage est cependant dur à porter. Et plus encore maintenant, à l'aune des révélations qui sont venues ébranler toutes ses certitudes. Quand elle referme la porte de sa cabine, à bord de Mandjet, la culpabilité et la honte reviennent toujours l'assaillir, comme des vautours qui attendent de profiter de ses moments de faiblesse. Si sur le terrain, elle sait comment faire face, elle n'a pas les armes pour affronter ces ennemis invisibles, tapis à la lisière de sa conscience. Pas encore. Car c'est précisément ce qu'elle cherche à obtenir. De quoi laver l'affront, de quoi faire la lumière sur ce qui a entaché son honneur.

De son enfance heureuse, Zhen garde en tête des moments d'amour partagés, au sein d'une famille unie. De son père, Bai Shan-shu, elle a développé l'appétit pour l'action et le respect de valeurs de grandeur morale. De sa mère, elle a reçu l'opiniâtreté et l'éloge de la raison. Zhen est née en 330 AC à Hadera, d'un père Lieutenant Ordis, et d'une mère scientifique, Madelyn Moss, une chercheuse spécialisée dans l'étude des Chimères. Le couple s'était rencontré en 327 AC au Cebir, un avant-poste servant à la fois de forteresse militaire et de laboratoire d'expérimentations pour les forces asgarthies. Maddie poursuivait une étude sur la nature des Chimères, considérées à l'époque comme des créatures dangereuses, tandis que Shan-shu commençait tout juste sa carrière militaire. Ils y vécurent durant deux ans, jusqu'à l'abandon de la base déportée.

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S'ils furent obligés de fuir en abandonnant l'essentiel de leurs possessions matérielles, Madelyn reçut l'autorisation de conserver avec elle un spécimen chimérique, qui avait pris l'apparence d'un cygne majestueux. À sa naissance, c'est ce dernier qui entoura de ses ailes le petit bébé, pour le tenir au chaud, comme s'il voulait le couver. En grandissant, Zhen se révéla être une enfant espiègle et active. Elle passait son temps libre à crapahuter en compagnie de la Chimère, qu'elle nomma Zéphyr. Les études ne l'intéressaient pas beaucoup. Elle aimait l'aventure, les longues randonnées avec son père dans les paysages chaotiques des hauteurs de Hadera. Parfois, Shan-shu amenait Zhen sur les petites îles flottantes, où il s'entraînait à faire du parapente ou du deltaplane. Zhen s'asseyait dans l'herbe pour admirer les acrobaties de son père, en compagnie de Zéphyr, en se jurant de faire les mêmes choses dès qu'elle serait en âge.

Sa mère avait tenté de l'initier à la science, mais en vain. Zhen était entièrement tournée vers l'action, et ne comprenait pas que sa mère reste cloîtrée pendant des heures, voire des jours dans son laboratoire, alors qu'elle aurait pu venir courir, sauter et grimper dans la montagne avec elle. Mais ce qui l'énervait le plus, c'est que Maddie s'enfermait régulièrement avec Zéphyr dans son officine, soi-disant pour qu'il l'aide à conduire des expériences. Elle n'était pas naïve , elle savait bien qu'il était son cobaye. À chaque fois que les séances se terminaient, son camarade de jeu en sortait exténué, obligé de se reposer pendant des jours... Pour Zhen, ce n'était pas une façon de le traiter, même si la créature ne se plaignait jamais. Pour elle, c'était un membre de la famille à part entière...

Zhen savait pertinemment que ses deux parents travaillaient pour l'armée. Shan-shu avait réussi à briguer un poste au sein du Tagmata, les forces spéciales de la marine asgarthie. Madelyn, quant à elle, recevait des visites régulières de haut-gradés de l'amirauté, avec qui elle discutait en toute discrétion autour de projets placés sous le sceau du secret. C'est à ce moment qu'une fêlure se creusa dans le couple ; une tension palpable dont la jeune fille ne comprenait pas bien la cause. Puis l'ordre arriva une nuit : Maddie devait embarquer sur Mesektet afin de tester son invention. L'escadron du Tagmata de Shan-shu devait participer à l'escorte du vaisseau-mère. Le couple laissa l'enfant à ses grands-parents, emmenant Zéphyr avec lui. Et après cette nuit, rien ne fut jamais plus comme avant.

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Seul son père et Zéphyr revinrent du voyage. Shan-shu avait les yeux cernés et les traits tirés. Mesektet avait sombré sous les attaques de Cingula, et Madelyn faisait partie des victimes. Des jours durant, l'officier resta mutique, en proie à une douleur indicible, incapable d'assumer la peine de sa fille en plus de la sienne. Il accepta, hagard, l'Étoile Pourpre, l'une des plus hautes distinctions militaires asgarthies, remises seulement à ceux qui avaient fait preuve d'un héroïsme extraordinaire au combat. En utilisant les capacités de la Chimère, Shan-shu avait réussi à sauver de nombreux hommes et femmes d'équipage. Mais il n'avait pas réussi à sauver Maddie, disparue lors de l'explosion de la passerelle scientifique du vaisseau. Durant la cérémonie d'hommage aux défunts, la mâchoire crispée, il serra les mains des rescapés, venus tour à tour témoigner leur gratitude. Mais le soir-même, Zhen le vit ouvrir une bouteille de spiritueux et engloutir verre après verre d'alcool.

Son sauvetage intrépide, au mépris du danger, fut loué par ses pairs, et lui ouvrit les portes des hautes sphères de la marine. C'est dans l'ombre de ce héros porté aux nues que Zhen traversa son adolescence. S'il avait toujours été son modèle, il le devint encore plus après ces sombres événements. Elle calqua sa vie sur la sienne, embrassant la même trajectoire que lui. Peut-être souhaitait-elle le consoler, ou bien lui faire comprendre qu'elle était toujours là. Même s'il tentait de le cacher lorsqu'il était en représentation, Shan-shu était un homme brisé. Pour lui faire reprendre goût à la vie, ou du moins alléger ses souffrance, elle entreprit de devenir à son tour une aspirante modèle. Elle s'imposa alors un entraînement physique exigeant et des stages de survie dans les montagnes de Caer Esvander.

Elle suivit à la lettre les conseils des manuels militaires de son père, dévorant les ouvrages recommandés par l'académie des officiers. Et dès qu'elle atteint l'âge légal pour se présenter aux examens, elle passa le concours d'entrée. Et elle brilla dans toutes les matières. Ces années de formation furent une folle course en avant où la jeune femme voulut prouver sa valeur, pour de nouveau apparaître sur le radar de Shan-shu. Elle défiait les cadets les plus athlétiques et surpassait les tacticiens, visant l'excellence. Parcours du combattant, stage de survie, résistance aux conditions extrêmes, orientation... Elle se devait de finir première aux épreuves. Elle ne pouvait décevoir son père. À la fin de son cursus, elle finit major de sa promotion, lui octroyant l'énorme privilège de choisir son affectation. Fièrement, elle demanda à rejoindre le Tagmata. Mais plutôt que de la féliciter, le visage de son père se décomposa.

Toute sa vie, Zhen courut après la considération de son père. En grimpant les échelons à la force du mérite. En se portant volontaire pour les missions les plus délicates. Après quelques années seulement, elle obtint son premier commandement. On lui confia les rênes d'un peloton du Tagmata, les Rapaces, qu'elle poussa à l'excellence. Peu à peu, elle fit d'eux l'élite de l'élite. "Je suis ton bouclier, tu es ma lance" était leur devise. Un respect mutuel entre l'officière et ses soldats fit de cette unité une formation militaire d'exception, où la fidélité à ses frères et sœurs d'armes dépassait le cadre habituel de la camaraderie Ordis. Elle les accompagnait dans tous leurs entraînements, partageait leurs bivouacs, menait les assauts à leurs côtés... Elle s'immergea avec eux sur le terrain, créant cet esprit de corps unique que beaucoup se mirent à louer.

C'est en 364 AC que son père, désormais à la retraite, reçut une demande expresse du Basileus en personne. Par ses faits d'armes et sa proximité avec Zéphyr, il était le candidat idéal pour un projet qu'Avkan ruun-Heshkari était en train de mûrir dans sa tête. Shan-shu, malgré son âge avancé, n'osa pas aller à l'encontre du souhait du dirigeant d'Asgartha. Il fut, avec son cygne, l'un des premiers à constituer un Exalt, pour prouver que le résultat du Musubi était reproductible. Mais malgré le succès de l'expérimentation, la santé de Shan-shu déclina soudainement. Il était clair qu'il serait inapte au service, lorsque l'Effort de Redécouverte prendrait son envol. Et les délais sans cesse repoussés ne faisaient que renforcer cette impossibilité.

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Les lauriers obtenus chez les Rapaces, sous la forme de médailles et de décorations, permirent à Zhen de décrocher les galons de Commodore, sous la supervision du Contre-Amiral Gaj. Puis, pour couronner sa carrière, elle prit le grade de Contre-Amirale, assurant la succession de son supérieur hiérarchique. Ses fonctions désormais plus sédentaires lui permettaient de rendre visite à son père, dans leur demeure familiale. C'est là qu'elle le retrouvait, entouré de ses souvenirs, de ses démons et de regrets. Et de remords, même si elle ne le savait pas alors. Malgré son état de santé fragile, il avait persévéré, au point que père et fille avaient tous deux les cheveux blancs et la peau couverte de rides.

Mais durant sa dernière visite, elle le trouva alité et confiné dans sa chambre. Elle fustigea le personnel de maison de ne pas l'avoir avertie, avant d'apprendre que c'était son père qui le leur avait interdit. Là, dans son lit, dans la pénombre de sa chambre aux volets fermés, Shan-shu patientait, attendant que la mort vienne l'emporter. Alors qu'elle serrait sa main osseuse, son père la regarda avec une affliction manifeste. Des larmes coulèrent sur ses joues tandis qu'il implorait soudain son pardon. Pour la distance qu'il avait mise entre eux, et pour ses crimes. C'est là, fiévreux et rongé par la maladie, qu'il demanda à Zhen d'entendre sa confession. Car c'était sa faute si sa mère était morte. Elle tenta de le réprimer, mais ce dernier, puisant dans ses dernières forces, lui demanda de l'écouter.

Il avoua que c'était lui qui avait provoqué la chute tragique de Mesektet, que c'était lui qui était responsable de toutes ces morts. Sauver du naufrage quelques personnes ne rachetait en rien le mal qu'il avait commis. Toute sa vie, il l'avait vécue dans l'imposture, dans le mensonge. De tous les honneurs qu'il avait reçus, il n'en méritait aucun. Zhen, médusée, lui intima de lui en dire plus. Pourquoi ? C'est l'unique question qui tambourinait sans cesse dans sa tête. Pourquoi ? Shan-shu évoqua alors le nom de sa mère, avant de se raviser. Et même si elle tenta de le faire continuer, de lui faire dire l'entièreté de la vérité, le vieil homme, aux portes du trépas, secoua la tête, se contentant de sourire avec bienveillance. Ses derniers mots furent pour elle, pour lui dire à quel point il était fier d'elle, même s'il n'avait jamais su lui montrer. Sa main retomba mollement sur le lit. Ses yeux vitreux continuèrent à la fixer longuement avant qu'elle ne se décide à les clore. Au dehors, elle entendit Zéphyr siffler et trompeter alors. Une complainte. Une lamentation.

Ce n'est qu'après plusieurs jours qu'elle se permit de sortir du manoir. L'inhumation avait eu lieu deux jours auparavant, durant une cérémonie pompeuse où tous les honneurs lui furent rendus par l'amirauté. Elle se garda bien de révéler les propos de son père, pour ne pas ternir son image ou sa mémoire, et la veillée fut vite expédiée. Alors qu'elle se promenait dans les jardins, ressassant en boucle ce qu'avait dit son père, elle se rendit compte à quel point son entière existence n'avait été bâtie que sur des mensonges. Elle passa toute sa vie au crible, ainsi que la leur. Mais malheureusement, tous les détails sur le crash de Mesektet avaient été placés sous le sceau du secret.

Que se passait-il alors au Cebir ? Sur quoi sa mère travaillait-elle ? Qui étaient les individus qui lui rendaient visite à intervalles réguliers ? Que lui reprochait son père ? Pourquoi avait-elle été sommée de monter à bord de Mesektet, alors qu'il s'apprêtait à attaquer Cingula ? Toutes ces questions flottaient dans son esprit comme un banc de méduses vénéneuses... Et Zéphyr, dans tout ça ? Elle écarquilla les yeux, se souvenant soudain de l'existence de la Chimère. Elle le trouva dans la véranda, recroquevillé sur lui-même tout près de l'étang artificiel. Sans force, sans même l'envie de vivre. Le lien du Musubi était-il si fort qu'il était en train de se laisser mourir, maintenant que son autre moitié avait passé l'arme à gauche ? Elle tenta de lui partager du Mana, de le stimuler, mais rien n'y faisait. Le cygne continuait de dépérir, perdant ses plumes, son corps s'étiolant irrémédiablement...

C'est de toute urgence qu'elle alla trouver une enclave Muna, pour quérir conseil auprès de ceux qui maîtrisaient le Musubi. Si même ces derniers avouèrent ne pas tout savoir de la nature du lien, ils évoquèrent la possibilité de le sauver en procédant à un second Musubi. Les druides avertirent Zhen que cela pouvait représenter un risque pour elle, car si la Chimère venait à disparaître, cela pourrait aussi l'affecter au plus profond de son être. Mais après quelques secondes seulement de réflexion, Zhen secoua la tête face à l'évocation de ce danger. Elle aussi avait amplement vécu. S'il y avait une chance de sauver Zéphyr, elle n'avait pas d'autre choix que de s'exposer. Durant la cérémonie, alors que leurs êtres se mêlaient, elle fut noyée par ses souvenirs, tandis qu'ils déferlaient en elle comme un torrent furieux.

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Les expérimentations durant lesquelles on siphonnait son Mana, les cuves, le visage de sa mère, celui de son père... Tout se mêlait. Et Zhen, à travers ce témoignage, commença à avoir un soupçon de l'étendue du secret. Elle vit à travers ses yeux la souffrance de son père, les épisodes de désespoir, les crises qu'il cachait à son entourage. Elle ressentit sa culpabilité, son dégoût, et son souhait d'en finir pour mettre fin au supplice. Mais en même temps, elle se rappela le visage de ceux qui avaient participé à la cabale : De Graaf, Falani, Singh... Ceux qui avaient séjourné ici, à plusieurs reprises. Les visions mémorielles étaient trop parcellaires, trop floues, mais Zhen en avait désormais la certitude : sa demeure avait été le théâtre d'un sombre complot, dont on avait tenté d'étouffer la teneur...

Elle enquêta longuement, préparant le terrain. Les informations sur le Cebir et Mesektet avaient été placées sous scellés. Singh était désormais à la tête de l'Effort de Redécouverte, avec De Graaf à ses côtés. Ne restait que Falani. Après une longue réflexion, à la veille de la retraite, elle posa sa candidature en tant qu'Exalt, pour prendre la place qu'aurait dû prendre son père. Elle suivit de loin la reconquête du Cebir, et fureta pour obtenir en catimini les rapports préliminaires. Durant sa formation, tandis qu'elle apprenait à maîtriser le lien qui l'unissait désormais à Zéphyr, elle apprit avec jubilation que l'épave de Mesektet avait été retrouvée. Il y avait une chance de mettre en lumière tout ce qui s'était joué dans son passé, à son insu, à son détriment. Peu à peu, il lui semblait que les pièces du puzzle commençaient enfin à apparaître, et qu'il serait bientôt l'heure pour elle de le compléter.