
Vaike Swiftwater

Lore
23 avril 2025
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259 AC - 333 AC
Peu peuvent se targuer d'avoir autant marqué de leur empreinte la société asgarthi que Vaike Swiftwater. Cette ingénieure et pionnière est considérée comme l'initiatrice de la Révolution Industrielle, et de la réunion des Guildes techniques d'Asgartha au sein de l'Axiom. Même si cet exploit est en grande partie attribué à Edire Niski, l'inventeur des Constructs, ce sont bien les travaux de Swiftwater qui ont mis le pied à l'étrier aux Guildes pour accéder au rang de Faction. Son influence, à travers son Eidolon, perdure encore aujourd'hui, même si elle a décidé de très peu s'intéresser à la politique. Pour autant, son tempérament circonspect continue de déteindre sur la Faction, l'aiguillant vers plus de mesure.
Née l'année de l'accession d'Asgartha au statut de République, Vaike a grandi sur les chantiers navals de Sadracca, bien loin de l'effervescence politique de la capitale. La Guerre de la Rupture venait de prendre fin deux ans auparavant, avec un affaiblissement significatif du pouvoir des Gouverneurs, et le système politique effectuait sa transition vers un mode de fonctionnement parlementaire, en vue d'élaborer une nouvelle Constitution. Mais toutes ces turpitudes n'avaient que peu d'emprise sur la vie de la petite Vaike. Ses deux parents, Wauna Swiftwater et Janek Janno, n'étaient que de simples mécaniciens, préférant le confort relatif de leur atelier — JSW Mehaanika — au grand air. En tant qu'indépendants, ils travaillaient beaucoup pour de petites firmes spécialisées avant tout dans la recherche et le développement, plutôt que dans les productions à la chaîne.
Depuis sa plus tendre enfance, Vaike avait donc toujours été élevée dans une ambiance propice à l'expérimentation et à l'innovation. Les clients de JSW Mehaanika se succédaient, restant quelques semaines, mois, ou années, le temps de concrétiser leurs projets tout en bénéficiant de l'expertise mécanique du couple Swiftwater-Janno. Ils venaient de toute la péninsule, et régalaient la petite fille d'histoires venant d'Amorgand, de Sojourn, mais surtout de la capitale. C'était une existence paisible. Après des années de guerre, la population n'aspirait de toute façon qu'à la paix. Wauna et Janek, qui avaient été conscrits pour œuvrer sur des bâtiments de guerre durant la Guerre Civile, pouvaient enfin se consacrer à des projets d'utilité publique.
C'est à l'âge de sept ans que Vaike vit pour la première fois une pépite de Kélon. C'est un inventeur du nom d'Anuar Binbasaki qui cherchait à l'utiliser pour proposer un nouveau type d'ampoule. Il avait pour ambition de développer l'éclairage public de la capitale, et de faire fortune au passage. Pour cela, il avait besoin de savoir s'il était possible d'augmenter la luminosité naturelle du minerai. Pendant plusieurs semaines, Wauna et Janek conçurent de nombreux dispositifs pour concentrer la lumière à travers des jeux de miroirs, ou bien pour "exciter" le matériau. C'est durant une telle expérience que l'appareillage subit un court-circuit qui grilla tous les générateurs de l'atelier. Las et à court de budget, Binbasaki se résigna à abandonner son projet.
Bien sûr, ces parenthèses d'oisiveté relative étaient rares. Ses parents comptaient sur elle pour les aider à l'atelier. C'est elle qui préparait les collations des ouvriers, qui les assistait dans leurs ouvrages. Peu à peu, Vaike devint une sorte de touche-à-tout, récupérant du matériel défectueux ou rejeté pour l'adapter à ses propres besoins. C'est ainsi qu'elle se constitua un petit laboratoire dans l'annexe du garage, pour s'y enfermer dès que l'occasion se présentait. Elle utilisait son argent de poche pour acheter les cristaux de Kélon qui étaient vendus comme objets décoratifs dans les boutiques de souvenirs du chef-lieu. Ensuite, dans son appentis, elle bombardait les échantillons qu'elle avait glanés, d'abord d'ondes sonores, puis de différentes fréquences de vibrations. Et quand une décharge énergétique manqua de faire sauter son atelier, elle sut qu'elle tenait quelque chose, malgré la fumée, les outils tordus et le mobilier brisé.
Bientôt, acheter des presse-papiers ou autres colifichets en Kélon en vint à ne plus suffire. Il lui fallait plus de stock. Même si quelques semaines furent nécessaires, elle parvint à convaincre ses parents de financer une partie de ses achats. Malheureusement, la Guerre des Trois Factions qui éclata en 288 AC mit un coup de frein à ses recherches. Le conflit était suffisamment distant pour les épargner, mais l'acheminement des ressources était compliqué, provoquant de fortes pénuries, et le Kélon était loin d'être une priorité pour la ville de Sadracca. Se fournissant sous le manteau, à des tarifs prohibitifs, elle continua cependant à étudier le matériau sans relâche.
Après avoir confirmé le potentiel énergétique du Kélon, elle envoya une missive à Binbasaki, pour lui demander s'il souhaitait l'assister dans ses recherches. L'inventeur d'un âge avancé, surpris que la jeune fille continue de s'intéresser à ce matériau, accepta cependant de la rejoindre. En 292 AC, avec l'aide d'Anuar, elle réussit enfin à créer un écrin suffisamment solide pour contenir la puissance du Kélon et le convertir en énergie exploitable. Grâce à des bonbonnes, des citernes et des cylindres, ils parvinrent à domestiquer le pouvoir du cristal. Même quand les forces de l'Ordis investirent Sadracca par surprise en 293 AC, comme première étape d'un assaut sur la capitale par la Cierna, elle ne s'arrêta pas d'expérimenter et d'améliorer leurs créations. Elle le fit en secret, car elle n'avait pas envie que ses découvertes soient utilisées à des fins militaires. Et contre toute attente, elle parvint à maintenir la clandestinité de son entreprise, même si de nombreux soldats Ordis visitaient fréquemment l'atelier de ses parents.
Ce n'est qu'après la guerre que Vaike dévoila le résultat de ses recherches. La portée de ses inventions fut tout d'abord assez confidentielle, ne parvenant pas à convaincre suffisamment d'entrepreneurs au sein d'une industrie déjà établie. Pendant plus de dix ans, elle sillonna la péninsule, visitant les Guildes techniques et participant à des foires d'invention. Mais la réaction du public et des potentiels investisseurs n'était pas à la hauteur de ses efforts. L'argument qui revenait sans cesse dans leur bouche était le coût et la difficulté de transitionner la société vers une source énergétique alternative. Face à cette inertie, la puissance du Kélon aurait pu tomber dans les oubliettes de l'histoire, mais le tsunami de 305 AC eut pour effet de rebattre les cartes de la scène économique.
Un jeune membre de la Guilde des Artificiers, Edire Niski, avait entendu parler des travaux de Vaike. Il avait même assisté à l'une de ses présentations, durant un colloque scientifique à Avesta, dans le but de moderniser les locomotives vieillottes du Transasgarthien. Quand il fut nommé pour reconstruire la capitale, aux côtés de sa sœur Nanha, Edire repensa à la démonstration de Swiftwater et de Binbasaki. Pour lui, le Kélon était une ressource parfaite pour faire entrer Asgartha dans une époque moderne, où la science améliorerait grandement les conditions de vie de l'humanité. C'est ainsi qu'il convia Vaike à Arkaster, au siège de la Guilde, pour qu'elle puisse prendre en charge la conversion des infrastructures — trams, éclairage, et autres — à l'énergie kélonique.
Soixante ans après sa mort, Vaike reste l'une des figures de proue de la Faction Axiom. Les cylindres et les piles de Kélon qu'elle a conceptualisés continuent d'alimenter les appareillages Axiom, des plus petits outils aux aérostats, en passant par les appareils kélo-ménagers des foyers asgarthi. Même le Transasgarthien et les transports lourds ont depuis été convertis à cette ressource puissante et surtout durable. L'empreinte de Vaike Swiftwater est partout, présente dans toutes les strates de la société. Et c'est bien pour cette raison qu'elle a persisté en tant qu'Oneiros, et continue de manifester son Eidolon auprès de ceux qui en ont besoin. Mais malheureusement, la pénurie de Kélon menace son hégémonie énergétique, et seul l'Effort de Redécouverte pourra peut-être venir solutionner cette carence.