La Cité des Sages

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  • Lore

  • 18 juin 2025

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CARNETS DE LEOCARDIUS SREE

La Cité des Sages. C'est dans les annales de Baird y Idris, Berger de la Tribu du Couchant, que l'on trouve les premières et seules références à cette ville, qui a constitué une halte pour certains des Nomades du Tumulte occidentaux, alors qu'ils faisaient voile vers Asgartha. Elle y est décrite comme une métropole souterraine, engoncée sous une haute montagne, bien à l'abri des courants de Tumulte. Baird y Idris, dans ses récits, fournit des hypothèses : la ville aurait été un centre névralgique du Monde d'Avant, encerclée de contreforts rocheux, et ce sont ces monts avoisinants qui, sous l'effet du Tumulte, auraient déferlé sur la ville comme des vagues herculéennes. Ces dernières, avant d'engloutir la cité humaine, se seraient alors solidifiées à nouveau, emprisonnant le peuplement dans une gangue de pierre aux formes aqueuses. Il est difficile de vérifier ces dires, car beaucoup de ces déclarations ne sont au final que conjectures, mais ce sont les seules sources sur lesquelles les historiens peuvent s'appuyer pour tenter de comprendre un tant soit peu l'histoire et la destinée de cette civilisation.

Tuiles rouges, bâtiments en pierre blanche ou en briques ocre, palais aux fenêtres ovoïdes — dont un surmonté de coupoles, comme une botte de champignons... Les tentatives pour dépeindre la cité peinent à donner une image claire et nette de sa topographie, rendue difficile en raison de sa nature souterraine. Mais ce qui transpire de ces descriptions éparses est le fait que les ruines de la métropole ont été soigneusement préservées. Une exploration au plus bas de l'édifice rocheux pourrait donc permettre aux Corps expéditionnaires de mettre au jour ces vestiges inestimables, pour faire la lumière sur la vie et le quotidien des communautés humaines avant l'avènement de la Confluence. Et ce faisant, il sera peut-être possible de trouver l'origine de son nom. La Cité des Sages. Qui étaient-ils ? Existait-il alors un ordre de Nomades dont nous ne soupçonnions pas l'existence ? Les réponses se trouvent sûrement au plus profond de cette ziggurat inversée.

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L'Œil de Corbeau

Premier contact avec la Cité des Sages, l'Œil de Corbeau est un trou béant qui donne le vertige. Un surnom donné par les topographes de l'Ouroboros, quand ce dernier a survolé la zone à haute altitude, là où le gouffre sombre prend des allures d'iris noir. Ces dimensions titanesques imposent immédiatement le respect. D'un diamètre dépassant la centaine de mètres, cette ouverture s'ouvre sur un large puits qui plonge bien plus bas dans les ténèbres, vers la cité en elle-même. Un habile système d'espaliers a été bâti sur tout le pourtour, ouvrant sur de nombreuses alcôves et salles troglodytes, même si de nombreux accès se sont effondrés et nécessitent des réparations extensives pour redevenir empruntables.

Exposée à la lumière du jour, la surface des espaliers a été colonisée par la végétation. Tels des jardins suspendus, ces espaces rendent les descentes ou les remontées plus bucoliques, en contraste avec l'obscurité pesante qui règne en contrebas. La verdure aidant, de petits animaux sont venus s'installer dans cet habitat plus calme et plus protecteur qu'en surface, façonnant un biotope en marge de ce qui se trouve à l'extérieur. On trouve aussi çà et là, le long des niveaux concentriques, de petits édifices de pierre dévorés peu à peu par l'érosion, le lierre et les plantes grimpantes, marquant des délimitations claires entre différents quartiers. Les érudits Ordis s'étonnent aussi de la présence, dans des hangars laissés à l'abandon, de grands blocs d'Aérolithe soigneusement taillés. L'Œil de Corbeau aurait pu constituer, au faîte de sa gloire, un puits central d'acheminement de la précieuse ressource, depuis des mines situées plus bas et jusqu'à la surface.

Le Sous-Bois

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En descendant le long de l'axe central, la première cavité qui se déploie à mi-chemin est un écosystème entièrement colonisé par une végétation invasive, et surnommé le Sous-Bois, pour souligner aussi bien le côté souterrain que la nature de cet habitat. Cet entresol s'étire sur toute l'aire de la Chape, et bénéficie encore, à ce niveau, d'un ensoleillement partiel, au gré de nombreuses trouées dans le plafond rocheux. Les zones effondrées montrent bien à quel point l'Aérolithe a joué un rôle déterminant dans la formation de la structure géologique du cratère, permettant de façonner une voûte protectrice au-dessus du Sous-Bois, sans que le couvercle supérieur ne s'affaisse entièrement. À travers de minces ouvertures ou bien des percées plus larges, la lumière du Soleil y tombe en rayons obliques, donnant à l'endroit une ambiance tamisée et apaisante. Par ailleurs, les précipitations, par leur accumulation, ont créé ici de nombreux étangs, réservoirs naturels et lieux engloutis sous les eaux.

Il est certain que les botanistes Axiom et les druides Muna sauront dresser un panorama plus exhaustif de sa faune et de sa flore, mais le Sous-Bois paraît à première vue être un cadre enchanteur, même s'il n'est pas exempt de dangers. Il est à noter qu'en dépit de la luminosité réduite, la végétation semble s'être adaptée pour compenser le phénomène de photosynthèse, forcément plus limité qu'en surface. D'énormes racines et branches serpentent vers la lumière, formant des dômes et des arches, des ponts et des enchevêtrements complexes sous la canopée. Recouvertes de mousses épaisses, de lianes échevelées et d'herbes sauvages, elles emprisonnent des blocs de pierre, les arrachant du sol pour les suspendre dans le vide. Les archéologues qui ont quadrillé cet étage estiment qu'il y avait ici des temples et des cloîtres décorés de fontaines et de statues, mais le retour progressif de la nature semble avoir fait disparaître ces vestiges sous une dense couverture de végétation.

Le Tombeau des Sages

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Il est difficile de savoir, même pour un rat de bibliothèque, ce qui a poussé les habitants de la Cité des Sages à se réfugier sous terre, dans l'obscurité chtonienne qui réside sur ce palier. Bien entendu, la pression exercée à la surface par le Tumulte devait être grande, mais les habitants semblaient vivre dans les profondeurs dans l'absence totale de lumière. Leurs yeux s'étaient-ils adaptés aux ténèbres ? Ce que les premiers éclaireurs ont sinistrement appelé le Tombeau des Sages était de toute évidence des quartiers d'habitation. Il est possible d'y déceler de nombreux témoignages de la vie passée. Des appartements, des laboratoires, des dortoirs, des réfectoires, des salles de conférence et des ateliers... Tout ici témoigne d'une intense activité intellectuelle et culturelle maintenant disparue.

C'est essentiellement ici, au sein de ruines à l'architecture singulière, que les chasseurs de reliques trouvent les objets qui sont le plus dignes d'intérêt, avant de remonter à la surface pour les confier aux doctes de l'Ordis. On trouve également des meubles, des objets manufacturés, qui permettent d'imaginer le quotidien de la population, avec à chaque fois ce même motif — tout en sillons et rainures — qui se répète sur les outils, les engins, le mobilier, les murs. Les historiens du Sanctum se penchent sur les précieuses trouvailles et les passent au crible pour tenter d'en comprendre toutes les significations. Celles qui sont en bon état proviennent souvent de réceptacles ou de boîtes hermétiques qui abritent des trésors destinés à passer l'épreuve du temps, comme si leurs anciens propriétaires désiraient qu'ils soient redécouverts longtemps après leur trépas, ou bien légués à des descendants qui en comprendraient l'usage...

Mais le plus intéressant reste les nombreuses fresques murales, tout en creux, qui émaillent presque toutes les parois de ce niveau. Certaines semblent avoir été constituées de mosaïques, mais dont les carreaux ont été religieusement et systématiquement ôtés de leurs écrins. Elles dépeignent des scènes de la vie courante, mais aussi ce qui ressemble à des récits fondateurs. Parmi les récurrences, on y voit des habitants user ou bien se sustenter d'un précieux liquide. Ce dernier était central au sein de la société, présent partout, dans chacun de ses pans. On trouve aussi des représentations d'un arbre gigantesque, peut-être un arbre-monde, et qui pourrait être à la source de rivières de cette substance. Est-ce sa sève qui est symbolisée, ou bien est-ce une métaphore plus élaborée, et dont le sens nous échappe ?

La découverte de silos et de citernes abritant des réserves de fluide doré pourrait attester de la nature du liquide présent dans de nombreuses gravures. Cette "sève" est actuellement extraite par les Axiom, qui ont lancé toute une batterie de tests pour en découvrir la nature, et aussi la fonction. Cette substance était versée dans des créatures de toute évidence artificielles. Elle était consommée, inhalée, partagée, offerte. Elle était propagée, stockée, servait aux cultures... Elle avait une place et un rôle centraux au sein de la Cité des Sages. Mais rien n'indiquait vraiment comment elle était créée ou bien récoltée. Les opérations de prospection et d'extraction se sont récemment intensifiées, car cette sève pourrait être la clé de la compréhension de toute cette civilisation défunte.

Une autre figure qui réapparaît souvent sur les gravures est celle d'une femme, dépeinte comme grande, belle et bienveillante. Elle est montrée en train de veiller sur la population, ou de s'abreuver. Il est clair qu'elle a été le sujet d'une vénération exacerbée au vu de sa proéminence. Est-ce un Eidolon inconnu ? Une divinité des temps anciens ? Son visage apparaît dans les corridors, dans de grandes salles cérémonielles, souvent comme point nodal des ridules décoratives, comme si c'était ses cheveux qui se déployaient dans toutes les directions. Cette omniprésence pose de nombreuses interrogations sur la structure même de la société. Était-elle articulée autour d'une divinité unique, là où les Asgarthi avaient bénéficié d'un large collège d'Eidolons pour les assister et les guider ?

Le Labyrinthe

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Peu se sont encore aventurés au sein du Labyrinthe, en raison du danger qu'il représente. Cette méga-cavité est constituée de blocs de pierre noire veinée d'or ; des cubes et pavés qui flottent et se recombinent en permanence, et qui rendent autant la navigation que l'orientation difficiles et périlleuses. Ces polyèdres réguliers, parcourus de gravures géométriques, d'entrecroisements, de lignes parallèles ou concentriques, semblent animés d'une vie propre : ils volent, s'assemblent, se séparent, se regroupent ailleurs, révélant des espaces cachés, en créant de nouveaux, ou en bloquant d'autres. Omniprésents dans cette cavité, ils façonnent un dédale sans cesse mouvant. Pour l'instant, son agencement ne semble pas suivre une logique ou un schéma précis, mais sans connaître la périodicité de ses cycles, il est compliqué de l'assurer avec certitude. Peut-être met-il des semaines, voire des années, avant de retourner à sa configuration initiale ?

Ce qui semble sûr, c'est que ces blocs sont constitués, au moins en partie, d'Aérolithe. Les habitants de la Cité des Sages semblent avoir, bien plus que les Asgarthi, domestiqué le précieux minéral antigravitationnel. Mais rien n'explique pour le moment leur mouvement perpétuel et automatisé. Les Axiom pensent qu'ils sont dépendants d'un code, et que leur assemblage suit des règles précises, ou qu'ils peuvent s'activer avec les bons stimuli. Les Yzmir vont encore plus loin dans leurs revendications, évoquant l'hypothèse que des idées sont contenues dans ces blocs. Ils fonctionneraient ainsi comme des unités de stockage d'informations, qui pourraient être associées et recombinées pour déclencher des séries d'effets pour l'instant inconnus. Idées, mémoires, souvenirs ? D'autres pensent que ce ne sont que de simples artifices pour se déplacer, ou bien qu'ils agissent comme un mécanisme de défense.

Au-delà de leur esthétique et de leur poésie manifeste, les cubes du Labyrinthe, que les Axiom ont appelé des tesseracts, semblent cacher un ultime étage. Mais sans une compréhension des mécanismes de ce dédale, il pourrait demeurer à jamais inaccessible. Et peut-être en est-il mieux ainsi. Plus les explorateurs descendent au sein de ces mégastructures éphémères, plus le danger est palpable. Des rumeurs d'attaques, par des entités fantomatiques ou de la fumée obscure, se font de plus en plus fréquentes. Et beaucoup d'Initiés suspectent que l'aspect mutagène du Labyrinthe n'est que la conséquence d'une Singularité de Tumulte, tapie dans les tréfonds de la cité engloutie. Que trouvera-t-on tout au fond ? Un trésor ? L'information que nous cherchons ? Ou au contraire, ce qui a causé la chute de cette civilisation, qui était en train de bourgeonner en parallèle de la nôtre ?