L’ECHO D’ARKASTER

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  • Lore

  • 3 juin 2025

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- MERCREDI 28 MAI 393 -

Un Pas de Souris

PAR EMERSON SWANSON

Après une traversée exigeante, les Corps expéditionnaires ont enfin rallié la localisation estimée de la Cité des Sages. Cette dernière pourrait receler des indications précises sur l’emplacement de la source du Tumulte. Pour autant, l’Amirale Singh freine des quatre fers quant à l’exploration de la ville ensevelie, ce qui ne manque pas d’agacer les opposants à l’Effort de Redécouverte.

Quatre mois. C’est le temps qu’il aura fallu aux forces d’exploration pour traverser les étendues glaciales du Storhvit, rebaptisée il y a peu en Caer Nilam. Quatre mois pour parcourir près de 400 km depuis les frontières de Caer Oorun. C’est ce que le Sénateur Muttunbaal n’a pas manqué de rappeler lors de son discours de candidature. Il a évoqué “un pas de souris avec la lourdeur d’un pas d’éléphant”, et de nombreux membres de l'intelligentsia politique semblent de son avis suite à l’ovation qui a suivi. “Qu’a donc apporté le coûteux caprice d’Avkan, à part l’ajout inepte d’une nouvelle région au Protectorat ?”, a-t-il demandé. “Un simple nom sur une carte”, a-t-il fini lui-même par conclure.

Il n’en fallait pas plus pour enflammer les débats, dans l’hémicycle comme au-dehors, alors qu’approchent les élections visant à déterminer le successeur du Basileus ruun-Heshkari. L’Effort de Redécouverte s’articulait entre autres autour de la promesse de nouveaux gisements de Kélon et d’autres ressources primaires, et il est fort de constater que l’entreprise peine à délivrer sur ce point. Néanmoins, il convient de mettre au crédit de l’initiative d’Avkan la récupération et la restauration du Mesektet, ainsi que des territoires agraires de Caer Oorun. “Les bienfaits de la Redécouverte ne se verront pas du jour au lendemain, mais se feront sentir sur le long-terme”, a rappelé la sénatrice Noya Kagama. Cette déclaration n’a pas semblé satisfaire Amaro Arundhani, qui a mis en exergue la patience déjà amplement sollicitée des Asgarthi. “Le peuple a suffisamment attendu, et est en droit de demander des comptes quand les livraisons peinent à arriver”, a-t-il simplement dit à la sortie de l’Oratorium.

La surprise est venue de l’intervention inopinée de la sénatrice Anuncia Synd, qui a presque coupé la parole de son homologue au micro de nos confrères de la Guilde radiophonique. “Mon frère est en ce moment sur le front, en train de batailler contre le Tumulte aux côtés d’autres filles et fils du peuple Asgarthi. Ils surmontent chaque jour mille obstacles, et ne ménagent pas leurs efforts, pour nous autres restés ici. Ne méritent-ils pas notre soutien ? Il n’y a pas de nous, et d’eux. N’est-ce pas l’idée même de la Concorde de demeurer unis ?”, a-t-elle proféré avec émotion. Le sénateur Arundhani n’a pas semblé prendre ombrage de cette interruption, et en a même paru amusé.

La décision de l’Amirale Temera Singh de retarder l’exploration de la soi-disant Cité des Sages pourrait grandement influencer l’issue de ces joutes politiques en nourrissant l’insatisfaction générale. Pour autant, rien ne garantit que l’inspection des ruines cyclopéennes apporte un bol d’air à l’Effort de Redécouverte, qui subit actuellement l’assaut concerté de ses plus virulents détracteurs. Pire encore, elle pourrait être le dernier clou planté dans le cercueil du projet d’Avkan, dans le cas où elle s’avèrerait être en fin de compte un simple miroir aux alouettes. Annoncé en grandes pompes, l’Effort de Redécouverte ne pourrait être qu’un pétard mouillé.

En fin de compte, malgré le charivari qui agite autant l’hémicycle que les coulisses du pouvoir, c’est avant tout le peuple, par son ralliement ou sa distanciation, qui va décider de l’avenir de cette ambitieuse entreprise. La réponse se trouvera quoi qu’il arrive dans les urnes.

Vestiges

PAR NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE, VERA VELASQUIA

Un cratère immense, vestige d’une éruption volcanique ou bien de la chute d’un objet stellaire aux proportions imposantes ; des habitats d’origine humaine, construits sur un enchevêtrement de terrasses herbeuses et concentriques, signe clair que le lieu a été, durant son histoire, peuplé par une communauté de survivants… et au centre de cet entonnoir, un gouffre, l’Oeil de Corbeau, s’ouvre comme un puits plongeant vers d’insondables ténèbres. C’est autour de ce précipice que les Corps expéditionnaires ont établi leur premier avant-poste, dans le but de préparer leurs premières expéditions souterraines.

La Chape. C’est le doux nom qui lui a été donné. On pourrait dire que ce n’est qu’un couvercle, sous lequel se déploie la Cité des Sages, le véritable objectif des Corps expéditionnaires. Mais cette Chape constitue en elle-même une énigme.

En déambulant au sein des ruines, on ne peut qu’être frappés par la vibrance de ce qu’a dû être cette cité, quand elle était encore habitée. On peut imaginer que des enfants jouaient dans des squares désormais donnés en pâture à une végétation vorace, et peut-être des marchands de rue qui s’installaient le long des rues, non loin des résidences maintenant désertées… Quelque part, des scènes de vie que l’on pourrait trouver au sein de notre capitale. Mais cette ville est désormais silencieuse. Nul rire d’enfant, nulle voix tonnante de vendeur à la criée. Il y règne la sérénité d’une tombe.

Pourtant, tout indique que cette métropole désaffectée était jadis florissante. Les architectes qui l’ont arpentée sont unanimes : son aménagement urbain recèle des trésors d’ingéniosité. Du côté des ingénieurs Axiom, on s’émerveille des prouesses technologiques que ses habitants ont réussi à atteindre, sans même l’ombre du Kélon pour alimenter leur technologie à l’apparence archaïque, mais dont les ressorts internes semblent dépasser tout entendement. Mais alors, si son avance technique était si considérable, pourquoi et comment cette civilisation en essor a-t-elle bien pu péricliter ?

La première hypothèse est bien entendu le Tumulte. Les premiers contingents à avoir visité la surface ont bien trouvé des traces d’Altération ou des mutations parasites, mais ces dernières semblent pour la plupart ultérieures à la disparition des habitants. Un effondrement social pourrait être envisageable, selon certains sociologues, mais aucune trace de violence n’a encore été découverte. Les suppositions des historiens tendent plutôt vers la possibilité d’un exode massif et soudain, même si elles ne pourront être confirmées que par le biais d’un examen plus approfondi et sans doute de longue haleine.

A l’apex de son existence, la population qui vivait ici dépassait d’après les estimations pas moins de 100 000 âmes. Pour les explorateurs qui espéraient peut-être retrouver les héritiers de la Tribu Perdue, les premiers clichés photographiques de la surface ont eu l’effet d’une douche froide. “Il est frustrant que notre première rencontre soit celle d’une civilisation défunte, mais l’étude de ses vestiges sera riche d’enseignements pour toute la population asgarthi”, a confié Waru Toowoom, l’Exalt Ordis. Mais malgré ces déclarations qui se veulent réconfortantes, l’heure est à la déception, surtout après la fatigue de mois de pérégrinations difficiles.

C’est la raison avancée par l’Amirale Singh pour temporiser l’exploration des abîmes et de la cité engloutie : pour “renforcer le moral des troupes” et “constituer une halte bienvenue”. Depuis les baies vitrées de l’Ouroboros, il est possible chaque jour de voir les avancées des chantiers en cours. L’Ordis a débuté l’érection de son Hôtel de Ville, l’Axiom de sa Raffinerie, les Muna de ce qu’ils appellent sobrement la Ferme… toutes les Factions se préparent à un séjour prolongé ici, en surface, dans l’attente du lancement des expéditions spéléologiques.

Pour autant, cela n’a pas empêché des opérateurs Axiom d’envoyer au sein des abysses des drones et des sondes automatisées. Même si l’Amirauté, par prudence, se passe pour le moment de tout commentaire, les premières rumeurs qui circulent font état de la présence de mégastructures enfouies et d’architecture “fractale”. De quoi attiser la curiosité des explorateurs. Une chose est certaine. La Cité des Sages est loin d’avoir révélé tous ses secrets.

Aurifique Découverte

PAR AVDEL MEZDAR

Ce n’est pas plus tard qu’hier que la tragédie est survenue sur l’ulica Trismegistosa. Le corps sans vie de Takao Cordisco, alchimiste qui avait pignon sur rue, a été retrouvé au sein de son échoppe, suite à un empoisonnement à l’arsenic. Une autopsie a été réalisée dans la nuit, et les résultats ne devraient pas tarder à être dévoilés par les autorités.

Un cordon de police ferme désormais l’accès à son magasin, même si jarres, amulettes et accessoires occultes continuent de se dévoiler dans sa vitrine chargée, comme si de rien n’était. Tous se rappellent ses cheveux blancs et ses lunettes aux croissants de lune stylisés, ainsi que sa générosité, qu’il cachait sous ses airs pincés. Mais l’hermétiste semble avoir succombé à son art. Tous les lundis depuis bientôt une vingtaine d’années, Takao Cordisco avait l’habitude de quitter la sécurité du Kadigir pour proposer à ses clients toute une panoplie de breuvages, de liniments et de toniques à des prix cassés. Des badauds, intrigués par la devanture demeurée ouverte toute la nuit, sont entrés au sein de l’officine, et ont trouvé dans l’arrière-boutique…