La Petite Fille aux Allumettes

Je m'assieds lourdement à côté de la jeune Lyra, qui a revêtu les quelques habits de rechange qu'on a pu lui trouver. Sa doudoune verte et rose, détrempée, est étendue au-dessus du feu, et peine à dégeler. Je pose autour d'elle une autre couverture, et frictionne ses épaules. Si ses cheveux noirs sont déjà secs, son teint est encore livide après son immersion prolongée sous la banquise. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a eu de la chance qu'on passe par là. Vu les marques présentes sur le lac gelé, c'est probablement le passage de nombreux traîneaux qui a fragilisé la couche de glace. C'était qu'une question de temps avant qu'elle cède sous le poids de quelqu'un. Je remarque qu'elle n'a pas touché à son chocolat chaud, et que de petites larmes se cristallisent au coin de ses yeux. Elle doit encore être traumatisée par son expérience récente... Et y'a de quoi. Elle est pas passée loin de la catastrophe, la petiote.

Marmo jappe à côté de moi et couine dans mon esprit. Oui, oui, j'ai compris. On va tenter de la divertir un peu. Je souffle en faisant le vide dans ma tête, et convoque à travers mon Construct l'idée de la Petite Fille aux Allumettes. Dans mon esprit, elle doit avoir son âge, ou peut-être même un peu moins... Elle apparaît soudain, avec ses cheveux roux incandescents, et s'assied en tailleur sur la neige en me jetant un petit regard complice. La jeune Lyra la fixe de ses grands yeux alors qu'elle sort de sa petite malle une boîte d'allumettes, qu'elle ouvre délicatement. Une première allumette racle contre le phosphore, projetant des étincelles puis une flamme sifflante. Une autre... À chacune d'entre elles qui s'embrase, un petit insecte robotique jaillit du feu : papillon ou luciole de métal. Je souris. Durant ces brefs intermèdes, la jeune rescapée ne semble plus penser au froid.

La Petite Fille aux Allumettes est un conte danois écrit par Hans Christian Andersen. Dans cette histoire, luttant contre le froid glacial de l'hiver la veille du Nouvel An, une petite fille sans le sou arpente les rues pour vendre des boîtes d'allumettes, mais aucun passant n'est intéressé. N'osant pas rentrer à la maison, où elle est maltraitée par son père, elle se réfugie dans une ruelle et se réchauffe à la simple chaleur de ses allumettes. Quand elle en frotte une, une hallucination lui fait vivre quelque chose dont elle est privée mais à laquelle elle aspire : la chaleur de l'âtre, des mets succulents, et la présence de sa grand-mère, récemment décédée... Au matin, des badauds découvrent son corps sans vie, mais avec un sourire aux lèvres.

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393 AC