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9 avril 2025
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393 AC
TREYST
"Posez ça là, voulez-vous ?"
Sur mes directives, le manutentionnaire abaisse le bras métallique vers la plate-forme, tandis que Rossum guide l'ensemble de câbles et de chaînes qui arrime la relique jusqu'à bon port. Depuis des jours et des jours, des ouvriers se sont succédé pour extraire l'étrange machine de la glace dans laquelle elle était enfermée, en usant de marteaux-piqueurs kéloniques, ou parfois même de simples maillets et burins.
Désormais, en la voyant de si près, je me rends compte à quel point son apparence est déconcertante, mélange d'esthétique archaïque et de machinerie baroque. Comme nous le suspections, elle est clairement de facture humaine, et constitue un trésor d'ingénierie que nul n'aurait espéré atteindre, même au sein de l'Athanor.
Tout autour de nous, la glace craque au sein du défilé. Je surveille du regard les corniches, croisant les doigts pour qu'aucun promontoire ne s'effondre sur nous. La traversée de la Gorge Cobalt avait déjà été suffisamment animée à mon goût, avec de lourds blocs qui s'étaient abîmés dans l'eau, faisant presque chavirer notre navire.
"Doucement. Tout doucement. C'est bon, posez !"
Dans un "clang" sonore, le dispositif est déposé sur le plateau surélevé. Alors que je monte vers l'aire de travail, mes pas résonnant sur les marches d'acier, Rossum se met déjà à l'œuvre. Il s'assure que tous les morceaux de l'appareil sont disposés de la bonne façon, afin que nous puissions travailler dessus sans se gêner les uns les autres.
J'ai laissé mon araignée mécanique en contrebas, troquant son confort pour mes "béquilles" articulées. Même si elles me permettent d'aligner un pas derrière l'autre, la douleur qu'elles me causent ne s'est pas atténuée avec le temps. Je serre les dents, sentant des élancements incommodes remonter du bas de mon dos jusqu'à mes cervicales. Et c'est sans compter sur les picotements incessants qui provoquent des spasmes dans mes jambes.
Pour autant, j'essaie autant que possible d'afficher un sourire poli en direction de mon entourage. Et il n'est pas réduit. Les Maîtres n'ont pas lésiné sur les ressources humaines et techniques qui ont été allouées au chantier. Étudier cette machine est devenu une priorité pour l'Axiom, afin d'en déterminer l'origine, mais aussi et surtout le fonctionnement. Ce qui est d'ores et déjà clair, c'est que son design est loin de ce que la Faction a l'habitude de créer... Une nouvelle peuplade ? Une autre civilisation ? Non, je ne devais pas tirer de conclusion hâtive.
Je me penche sur la carcasse inerte, passant une main à sa surface pour chasser les gouttes de condensation qui se sont formées sur le métal. Elle a déjà été passée au peigne fin, afin de collecter les particules significatives — pollen, gras, poussière... — ou au contraire, de vérifier la présence d'agents pathogènes ou d'éléments contaminants. Aux dernières nouvelles, rien de nocif, hormis peut-être des résidus jaunâtres présents dans quelques rigoles, et dont la nature reste à déterminer.
Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse en premier lieu. La substance a été livrée à des chimistes pour une étude approfondie, et ils feront le travail bien mieux que moi. Non, je suis là pour jeter un coup d'œil à sa mécanique particulière, et pour cela, il va falloir que je la désosse de fond en comble. Et je vais devoir le faire autour d'une énigme : quelle est donc sa source énergétique ?
"Alors, qu'est-ce que tu en penses ?" dit une voix non loin de moi.
Je lève les yeux et réajuste mes lunettes, voyant à travers la rambarde Sierra monter la rampe d'accès jusqu'au niveau où je me trouve. En passant, elle tapote de son poing les omoplates de Rossum, qui tourne la tête nonchalamment, avant qu'Oddball ne vienne tournoyer autour de lui en bipant furieusement. Les lames de l'Altératrice claquent sur les grilles du sol. Elle prend soin d'éviter précautionneusement les anfractuosités, ce qui lui donne un peu l'allure d'une danseuse.
"Je débute à peine", lui dis-je sans mentir.
Elle vient se tenir à côté de moi et croise les bras sur son torse.
"Crois-moi, tu vas en avoir pour ton argent", se permet-elle d'ajouter.
Je fronce les sourcils et la regarde, perplexe, avant de grimacer, alors qu'une douleur sourde remonte le long de ma colonne.
"Tu as mal ? Tu veux que je checke ton stimulateur dorsal ?"
Je secoue la tête.
"T'inquiète, j'ai appris à vivre avec ce niveau de douleur."
Elle me toise et finit par acquiescer.
"Comme tu veux."
Je me mets à ausculter la machine plus en détail. Le métal sombre qui a servi à façonner son enveloppe me rappelle ces minerais rares que l'on trouve dans certains cratères volcaniques. Sa surface est parcourue de rainures, comme un réseau de sillons, de profondes rigoles au parcours arrondi. Une sorte de labyrinthe...
En utilisant l'une de mes Greffes, je soulève un appendice articulé, et écarquille les yeux.
"Tu as remarqué, toi aussi ?"
Sierra s'assied sur une caisse, non loin de moi. Je passe une main sur ma barbe de trois jours, et masse mes joues avec un mélange de fascination et de perplexité.
"Il n'y a pas de vis ni de boulons visibles..."
Elle acquiesce.
"Ce qu'on suppose, c'est qu'ils ont utilisé l'Altération pour lier des parties à d'autres, pour qu'elles ne forment qu'un tout."
Je continue d'observer la machine, avant de rendre mon verdict.
"Je ne pense pas."
Elle se tourne vers moi et hausse un sourcil.
"Tu as une autre théorie ?
— Je ne suis pas sûr de ce que j'avance, mais regarde ces marques."
Elle se penche au-dessus de la relique et étrécit les yeux en regardant la zone que je lui pointe du doigt. Au fond d'une rigole, on voit clairement un petit jour en forme de croissant de lune, comme une sorte de soudure mal exécutée.
"C'est comme si la vis, après avoir été placée, avait fusionné avec le reste. Il y a une sorte de légère boursouflure...
— Comme une sorte de bouture ?
— Comme la greffe d'un tissu, oui. Comme si le métal avait une propriété organique..."
Sierra pose une main sur l'appareil, pensive.
"Ça pourrait expliquer plein de choses. On a passé la relique au scanner, faute de pouvoir l'ouvrir. Pas la moindre trace de circuit là-dedans, qu'il soit électrique ou kélonique...
— Donc une source alternative. Mais pas de lieu de combustion, pas de réservoir particulier.
— Les sillons se rejoignent à un endroit, où il y a une sorte de cuvette."
Elle me montre l'emplacement, et je hoche la tête.
"Alors toutes ces stries peuvent accueillir un liquide...
— Et si..."
Sierra me regarde alors que j'arrive à la même conclusion.
"Oui, et si les résidus jaunes provenaient d'un quelconque carburant ?
— Ça voudrait dire qu'il circulerait non pas à l'intérieur, mais à sa surface, au sein de ces ridules."
Son enthousiasme est communicatif, et je me surprends à sourire, moi aussi. Ou du moins à grimacer. Je me tourne vers l'ingénieur le plus proche.
"Dès que nous aurons les résultats d'analyse de la substance, je veux être informé en priorité, est-ce clair ?"
Le technicien me fait un bref signe de la tête, avant de noter la consigne dans son calepin. Sierra se tourne soudain vers moi, pensive.
"Si on parvient à faire fonctionner cet appareil..."
Ses yeux dérivent vers une paroi de glace derrière moi, sur laquelle travaillent en continu une demi-douzaine d'excavateurs. Je me tourne pour suivre son regard, et me mets à observer les ouvriers qui creusent et font fondre l'épaisse banquise, bloc par bloc, centimètre par centimètre... Ils sont auréolés de la lumière des projecteurs, braqués sur ce qu'ils essaient de libérer...
"Alors on pourra s'attaquer au vrai mastodonte..."
Dans sa gangue de glace, la silhouette sombre se dresse, massive, colossale. Même immobile, elle semble me dévisager, et un frisson me parcourt soudain. On ne sait pas encore ce que c'est. Un Automate, similaire à ce que Sierra a designé ? Un Golem, ou bien quelque chose qui se situe entre les deux ? Est-il doué de conscience ? Sera-t-il hostile ?
Les questions tournoient dans ma tête, mais je les chasse aussitôt. Je dois me reconcentrer sur la tâche en cours. D'un mouvement de ma pensée, ma seconde Greffe dorsale s'active, et la scie circulaire qui y est attachée se met à vrombir en projetant tout autour des échos stridents. Je rabats mes lunettes de protection sur mon visage et en propose à Sierra, qui les met à son tour.
La scie s'approche de la surface métallique, et se pare soudain de milliers d'étincelles. Bien, il est temps de voir ce que cette machine a dans le ventre.
SUBHASH
Je me tapote le ventre, repu, et réprime un rot. Au lieu de ça, je souffle longuement et me lève du banc où je m'étais vautré pour engloutir ma collation. Autour de moi, les autres travailleurs de l'Axiom dévorent ce qui se trouve dans leurs écuelles pendant que c'est encore chaud, ou vont demander un peu de rab au buffet. Pas sûr qu'il en reste des masses, mais on ne perd pas grand-chose à vérifier...
Marmo, de son côté, est encore en train de ronger son os à demi gelé. Je lui caresse la tête, et il grogne légèrement, clairement dérangé dans sa petite entreprise. OK, OK, message reçu, il pourra toujours venir me rejoindre quand il aura terminé de mâchonner son cartilage. Je le laisse donc faire ses crocs sans l'embêter davantage, car je sais à quel point il peut être ronchon quand il n'a — littéralement — pas d'os à ronger.
Je sors du mess improvisé et m'étire un peu les épaules, saluant quelques collègues dont c'est bientôt le quart. C'est le moment pour moi de passer par la case vidange, de toute façon. Alors je marche en sifflotant, mains dans les poches, en direction des baraquements temporaires.
Du coin de l'œil, je vois Sierra et Treyst à pied d'œuvre avec leurs compagnons respectifs, en train de travailler sur la fameuse relique qui a été extraite de la glace. Je ricane, car en vérité, comparé à ces deux jeunots, c'est bien moi la relique.
OK, peut-être que j'exagère un peu. Mais avec le froid ambiant, je sens clairement dans toutes mes jointures la cinquantaine qui arrive à grands pas.
J'arrive près des sanitaires provisoires quand je vois dans la zone de déchargement des rangées de citernes et de cylindres kéloniques. Désespérément vides, bien entendu. On espérait trouver au sommet de la montagne un grand gisement de minerai, et au lieu de ça, on avait eu qu'un grand arbre mort à se mettre sous la dent. La déception avait été grande. Heureusement, on avait trouvé deux filons exploitables en contrebas. Et une fois le Tumulte évaporé, on allait pouvoir les miner à loisir. Ha, je dis "on", mais en vérité, moi, ma destination allait être toute autre ; à moins que les Exalts ne décident in extremis d'un congé étendu, ce qui était en définitive plus qu'improbable...
Toujours en train de siffloter, je referme ma fermeture éclair après avoir fait mes besoins. Puis c'est au tour du zip de ma combinaison, que je remonte aussi haut que possible pour ne pas que le froid s'insinue là où il n'est pas invité. Je saisis une poignée de neige pour me laver les mains et les sèche longuement devant un radiateur kélonique, pour ne pas me retrouver avec deux sorbets en guise de mimines.
Je vérifie combien de temps il me reste avant d'embrayer sur la suite. Plus de trois-quarts d'heure ? C'était amplement suffisant pour tâter un peu de mon sitar. Reste à trouver un coin peinard où je ne serai pas trop dérangé, et où je pourrai exprimer en catimini et sans honte tout le mal du pays que je ressens depuis mon départ.
J'ouvre la porte du dortoir et pousse un soupir de soulagement en le voyant désert. Je frappe mes pieds sur l'entrée du baraquement pour chasser la neige de mes semelles. Puis je marche en direction de ma paillasse, passant devant des dizaines de couchages plus ou moins bien rangés. Je fais craquer mon cou et me pose sur mon matelas, me délestant de mon étui pour ensuite sortir mon instrument de musique.
On avait remis la main sur Caer Oorun. On avait traversé le Tumulte jusqu'à faire une halte ici, dans le Storhvit. Tout au long de la route, j'avais collecté plein de petites babioles. Elles sont d'ailleurs toutes là, posées autour de mon sac de couchage comme autant de témoignages de ce que j'avais vu au sein de la Terra Incognita.
Ici, une fiole de sable qui réagit au son et danse en pétillant quand on joue, crie ou parle à proximité ; là, un sac rempli de laine, que j'avais prélevée dans une rivière faite de fibres et de poils. Il y a aussi d'autres excentricités : un bocal de mousse végétale qui suppure du savon, un galet dont j'ai appris à mes dépens qu'il revient toujours vers celui qui le lance, un fruit au goût entre le pamplemousse et le cidre, qui a la particularité de se reconstituer si on l'expose suffisamment longtemps à la lumière... bien pratique pour toujours avoir un en-cas sur soi.
Tout ça, ça venait de la partie rigolote du voyage. J'avais vu dans les terres de Tumulte des arbres dont les feuilles étaient couvertes d'yeux qui clignaient et me suivaient du regard ; j'avais vu un mastodonte dont la gueule s'ouvrait comme des mandibules, et dont les rangées de dents tournaient comme des moissonneuses-batteuses. Je préfère passer sur l'épisode des spores parasites, qui se greffent à ce qu'elles touchent et se mettent à pousser encore et encore si un médecin du Rati n'est pas là pour les exciser...
Brrr. J'en ai encore froid dans le dos.
Mais en dépit de tout ça, c'est clair que la Terra Incognita abrite des panoramas incroyables, comme issus des rêves — ou des cauchemars — les plus déments. Des puits de lumière irisée qui jaillissent du sol et filent vers le ciel en ligne droite ; des mares d'obscurité — à sonder avec précaution — dans lesquelles se réfugient parfois rongeurs et surtout serpents ; des arbres qui se parent de ballons de baudruche en lieu et place de feuilles, et qui émettent du pollen quand ils se dégonflent bruyamment... et puis il y a eu ce vol de raies manta, haut dans le ciel. Je parie que c'était des Léviathans, même si avec la distance, je ne suis sûr de rien.
Je branche mon sitar sur l'ampli, qui se met à grésiller dans la lumière des piles de Kélon. Les doigts de ma main gauche glissent sur les cordes. Ceux de ma main droite les pincent pour en tirer quelques notes vibrantes. Mes gammes se diffusent dans le dortoir désert. Une fois mes mains suffisamment réchauffées, je me lance pour de vrai. Tout naturellement, c'est la RWV 416 de Prakash Ruggeveen, dite "La Complainte", qui me vient en premier. Mes mains dansent, tordent les cordes, claquent tandis que la mélodie se déploie et tourbillonne autour de moi. Dans le même instant, des silhouettes fantomatiques apparaissent à mes côtés. Celles de Kavuri et de Navin en train de jouer avec Marmo, celles de Chatur et de Sunder en train de se disputer tout en prenant leur thé... Chaque pincement de corde est un pincement de cœur.
Puis l'air se termine, et les yeux embués de larmes, je laisse le silence se réinstaller, tandis que les figures spectrales s'estompent et s'effilochent. Un applaudissement me tire de mes rêveries.
Je ne l'avais pas vue, mais sur l'un des lits superposés, une femme me regarde, un sourire peint sur son visage. Elle descend de son pieu surélevé alors que je repose mon instrument dans son étui, puis vient dans ma direction. Même à l'intérieur du baraquement, elle a gardé son bonnet et son écharpe. Ses cheveux sont couleur crème, longs et un peu en bataille. J'ai l'impression que je l'ai dérangée dans sa sieste.
"Je ne vous savais pas musicien", dit-elle en approchant.
Je la regarde, perplexe, et elle finit par tendre la main dans ma direction.
"Pardon, je me présente : Vera Velasquia."
J'acquiesce à son encontre et lui serre la paluche. Je remarque que ses doigts sont tachés d'encre. Oui, Vera, la journaliste de l'Écho d'Arkaster. J'avais entendu dire qu'elle s'était jointe à l'Effort de Redécouverte pour en écrire les chroniques, mais c'était la première fois que je la voyais ici.
"Enchanté, je suis...
— Subhash Kadis, Faiseur Axiom et membre du troisième Exalt de la Faction, me coupe-t-elle soudain. Je sais qui vous êtes, bien entendu."
Je sais que je ne devrais pas être flatté, mais c'est plus fort que moi.
"Désolé, je pensais être tout seul."
Elle secoue la tête.
"Ce n'est vraiment pas un problème, il était temps que je me réveille, de toute façon."
Elle baille cependant, même si elle fait mine d'être endurante.
"Ça vous dit, un café ? Je m'apprêtais à en faire un..."
Je hausse un sourcil.
"Vous en avez ?"
Elle sourit alors, probablement à cause de ma réaction un peu trop enthousiaste.
"C'est mon stock personnel, et j'ai même mon propre perco. Je ne suis pas du genre à pouvoir vivre sans café", me confie-t-elle, comme si c'était sous le sceau du secret.
Je la regarde sortir tout son barda et le poser sur son meuble de chevet : un moulin à café kélonique, un sachet de grains, un percolateur portatif...
"C'était un sacré spectacle", muse-t-elle tout en regardant le breuvage couler.
"Ah, mes souvenirs ?"
Je me gratte la tête, un peu penaud qu'elle ait assisté à tout ça.
"Comment ça marche ? De l'Altération naturelle ?
— J'ai installé un module qui fonctionne un peu comme un Construct dans mon sitar. Chaque note agit comme un symbole khyalo, et quand on les combine...
— Vous avez associé des souvenirs à des mélopées spécifiques. Ingénieux."
Je me contente de hocher la tête. Il n'y a rien à ajouter de toute façon. Hormis peut-être une chose...
"On peut se tutoyer, si tu préfères. J'ai jamais été à l'aise avec les vouvoiements."
— Ça marche. Donc Bash. Je peux t'appeler Bash ?"
— Tout le monde m'appelle Bash. Ou presque. Enfin, les gens que je connais bien. Oui, tu peux m'appeler Bash."
Je sais que je bredouille, et ça m'agace.
"À l'occasion, j'aimerais bien t'interviewer, si tu as le temps. Genre une simple discussion, juste pour faire connaissance. Je travaille sur une série de portraits."
D'une main, elle fait mine d'isoler des blocs de mots, comme si elle regardait une affiche.
"Les visages de la Redécouverte."
Je me gratte de nouveau la tête.
"Je sais que vous allez être bientôt déployés de nouveau. Donc je sais que ce genre de créneau est rare. Qui plus est, c'est aussi un moyen de donner de tes nouvelles à ta famille. Je m'assurerai personnellement qu'ils reçoivent un exemplaire du journal..."
Je fronce les sourcils.
"J'ai l'impression que tu en sais plus que moi..."
Elle soupire, réalisant peut-être qu'elle en a trop dit.
"Tout ce que je sais, c'est que l'Amirale Singh a envoyé l'Ouroboros un peu plus en amont. Pour le mettre à l'abri des courants de Tumulte, bien entendu, mais j'ai aussi eu vent qu'il avait écopé d'une autre mission : celle d'analyser une anomalie topographique.
— Quel genre ?
— Une structure circulaire, comme un œil, et qui pourrait abriter des ruines d'origine humaine. Entre ça et la relique que vous avez déterrée l'autre jour, on peut commencer à se dire qu'il pourrait y avoir d'autres survivants pas très loin."
Je ne peux m'empêcher de me montrer un peu méfiant.
"Tu es sûre de toi ?"
Elle soupire, tandis que derrière elle, le café semble avoir enfin terminé de couler.
"Ma source semblait l'être, en tout cas."
Son regard est posé sur moi, guettant la moindre de mes réactions. Peut-être cherche-t-elle simplement à confirmer ces rumeurs ? Je sais que son expression est faussement innocente, mais ses grands yeux ont quelque chose de magnétique, qui incite à se confier à elle. Ça ne change rien de toute façon, je n'en savais pas plus qu'elle.
Elle semble se rendre compte de mon ignorance, ou peut-être a-t-elle fini par réaliser qu'elle s'était montrée trop pressante. Elle se lève, attrape les deux tasses qu'elle a préparées et m'en tend une. Je regarde le liquide noir fumer, et le hume avec délectation.
Elle tire une caisse et s'assied soudain en face de moi, en arborant un sourire malicieux, presque conspirateur.
"Oublions ça et reprenons, veux-tu ? Qui es-tu donc, Subhash Kadis ?"