Invocation de Phalène

Elles virevoltent autour de moi, aériennes et silencieuses. Même le battement de leurs ailes ne provoque aucun bruit. C'est comme si elles étaient là sans vraiment l'être, suintant du Mana dans l'air comme un encensoir embaume l'atmosphère. Peut-être certains Muna ont-ils déjà découvert quel était leur rôle dans l'écosystème ? Peut-être ces phalènes participent-elles à la dissémination de la substance dans le monde, pour renforcer l'Oasis ? Tout ce que je peux dire à mon échelle, c'est que le spectacle de leur danse est enchanteur, presque hypnotique. Il y a une chose que j'ai remarquée, pourtant : la présence de phalènes de Mana veut souvent dire que des Belisenki ne sont pas loin. Elles apparaissent comme des signes avant-coureurs, comme pour nous avertir de faire un détour, ou bien de rebrousser chemin sans tarder. J'ai vu même d'intrépides Bravos rechigner à aller de l'avant en remarquant une clairière peuplée de mites. Mais elles ne me terrorisent nullement.

Peut-être que le bon sens voudrait que je les craigne un peu plus, mais je ne peux m'empêcher d'être fascinée par leur existence éphémère, la vie si courte dont elles se contentent sans geindre. C'est sûrement parce que pour moi, elles évoquent autre chose que le présage d'une attaque. J'ai pu les observer longuement, à chaque visite de la petite cabane de Saskia. Pour moi, leur présence évoque l'odeur de la camomille, la douceur du feu qui se consume dans l'âtre, la silhouette de la Muna qui étudie ces petites créatures, à quelques mètres de moi... Il me suffit de les voir, et je suis irrémédiablement attirée vers ces souvenirs, comme un aimant. Je lève lentement la main et fait affleurer sur ma paume une goutte de Mana. Un papillon se pose et se met à butiner le liquide en déroulant sa trompe. Bois, petit. Avec ce nectar, tu gagneras quelques instants de vie.

AKESHA

393 AC