Perséphone

Je me pose sur une souche après avoir déblayé la neige qui la recouvrait. Tout autour de moi, la forêt est calme, presque trop calme. On est loin de ce que je pouvais entendre au sein de la Katkera, qui en comparaison était un tohu-bohu incroyable. Entre les jacasseries des oiseaux, les brames, les caquètements et les vagissements, il n'y avait que peu de place pour le silence. Même la forêt de Nutsuwa, pourtant si sereine, bruissait fort si on tendait l'oreille, et si on savait écouter. Mais la taïga ressemble à un désert ouaté et feutré. Je suis au cœur de la forêt boréale, là où les arbres semblent être les plus vieux, et quelque chose me chiffonne. Il y a de nombreux troncs morts, des arbres qui habituellement n'auraient rien à faire dans un climat si arctique. C'est comme si l'hiver s'était abattu ici soudainement, dans une région qui était avant cela tempérée, et qu'il était resté jusqu'à faire dépérir ses précédents habitants.

Peut-être est-ce à cause de cela que j'appelle à moi Perséphone, celle par qui le printemps est censé revenir ? À cause de cette profonde mélancolie que je ressens en étendant les filaments du Skein ? La déesse apparaît en même temps que la stèle sur laquelle elle était assise, un livre à la main, comme si je l'avais dérangée pendant sa lecture. Mais je sais d'où vient cette idée. Elle appartient à mes souvenirs, quand Turuun prenait une pause. Durant nos escales, elle sortait souvent un ouvrage en me disant d'aller voir ailleurs si j'y étais, pour ne pas que je la dérange avec mes questions incessantes. Perséphone regarde autour d'elle, et alors que les parterres de neige se mettent à fondre en sa présence, les anciens esprits se réveillent. Ici, l'émanation d'un chêne, là, celle d'un châtaignier. L'âme d'un hêtre se joint à eux et se rapprochent de la déesse comme pour lui demander si le printemps est de retour, et s'il est temps de se réveiller...

Aussi connue sous le nom de Coré, ou Proserpine dans la mythologie romaine, Perséphone est la fille de Déméter, la déesse grecque des moissons et de l'agriculture. Après avoir été ravie par le dieu Hadès et retenue aux enfers, un accord est trouvé entre le dieu souterrain et Déméter : chaque année, elle demeurera six mois auprès de son époux, et les six autres à la surface et au sein de l'Olympe. Lors du printemps et durant l'été, la joie de Déméter de retrouver sa fille provoque le fleurissement de la nature, et au contraire, la douleur de la perdre amène avec elle l'automne et l'hiver...

RIN

393 AC